Pour ou contre la Modernité ?

  modernité

L’idée de ce texte m’est venue alors que je me demandai pourquoi la modernité semble avoir déserté l’esprit de pas mal de gens. Alors que notre époque moderne est celle où triomphent les valeurs de progrès, la communication, la raison, on assiste à la résurgence de fondamentalismes visant à replacer la religion en clef de voute de nos organisations sociales. Les revendications visant à placer fait religieux et vérité scientifique sur un plan d’égalité se multiplient : la vérité scientifique serait une croyance comme une autre … Sans parler des 9 % de français qui au moment même où j’écris ce texte,  croient « possible que la Terre soit plate et non pas ronde comme on nous le dit depuis l’école » ! Il semble bien que la culture scientifique se trouve de plus en plus malmenée. N’assistons-nous pas à un affaiblissement de la pensée moderne ?

En dehors de la simple ignorance qui est le premier de tous les maux, il m’a semblé qu’un des facteurs de ce rejet pouvait être tout simplement Culturel. Ainsi, on ne peut pas affirmer que le simple principe de Laïcité, au motif qu’il est Constitutionnel suffit à aplanir d’un claquement de doigts des différences culturelles profondes et des déterminismes enracinés dans l’Histoire. Avec d’un côté des siècles de bagarres intellectuelles, d’autocritique et de science pas toujours triomphantes mais toutefois libératrices et de l’autre des siècles de conjugaison de diverses formes d’intégrismes religieux mythifiés qui excluent l’expression de l’innovation. Mais je n’en fais pas un complexe de supériorité car la Modernité ne date pas d’hier et dès l’Antiquité quand on était savant il fallait savoir parler 3 Langues: Le Grec, le Latin et … l’Arabe.

Islam

l’Arabe en particulier, a légué au Monde nombre de concepts, dont le zéro et beaucoup de poésies et de mots dont notre langue française s’est enrichie. Il a existé dès le  VIIIe siècle une école de théologie musulmane , le mutazilisme, qui rejetait tout dogmatisme religieux. Basée sur la logique et le rationalisme, inspirés de la philosophie grecque et de la raison (logos) la recherche scientifique et la philosophie  y avait une place prépondérante. Ce sont les scientifiques arabo-musulmans, les “modernes” de cette époque antique,  qui ont participé à structurer les mathématiques dans le domaine de l’arithmétique de l’algèbre de la géométrie. Les autres disciplines qu’ils ont contribué fortement à développer sont la médecine, la botanique, la zoologie, l’agriculture, la physique, la chimie, l’optique, la géographie et l’astronomie, devançant de plusieurs siècles les scientifiques européens. Malheureusement cette démarche, régressa avec Al-Ghazâlî et plus nettement à partir du XIIIe siècle les tendances musulmanes de l’époque considérant que la révélation divine ne devait plus à être soumise à la critique humaine. Puisque le monde était entièrement soumis à la volonté d’Allah, il était absurde, voire blasphématoire de chercher si la nature obéissait à des lois, surtout si la science ne se montrait pas partout d’accord avec ce que disait le Coran ! Il fallait que rien n’eût existé avant l’islam et ceci marqua définitivement la fin de la science dans les pays musulmans. La première victime des écrits d’Algazel fut Averroès, que les musulmans de son époque persécutèrent et dont ils brûlèrent la bibliothèque. Depuis, un couvercle de plomb a recouvert ce creuset créatif. Et d’ailleurs, toujours critiqué par les courants salafiste et wahhabite, le mutazilisme est aujourd’hui peu représenté dans la communauté musulmane, bien qu’il en fut autrefois un courant majoritaire.  De nos jours, existent-t ’il encore des des scientifiques Musulmans dans leurs pays d’origine? Je crains que l’expatriation soit pour eux la seule issue pour qu’ils puissent s’exprimer librement … Selon moi, bien que fédératrice, la tendance religieuse qui a pris le dessus dans ces Pays , a dans sa forme la plus intégriste, effacé la philosophie au profit de la mystique et tué dans l’oeuf une modernité qui ne demandait qu’à resurgir. Je me battrai pour qu’il n’en advienne pas ainsi chez nous, car ce courant religieux qui prône l’interdiction des innovations impies (bid’a), le monothéisme absolu (tawhid)  et  la dissociation avec tout ce qui n’est pas musulman conforme avec cet Islam « pur », se développe comme un cancer. C’est pourquoi je souhaite que le Salafisme soit considéré comme une dérive sectaire à combattre et SOIT MIS HORS LA LOI dans mon Pays. (Et ailleurs …). Sans faiblesse, car je préfère de loin, la modernisation de l’Islam à l’Islamisation de la Modernité …

Mais revenons à ces temps modernes, à cette « Modernité », à laquelle souvent je me flatte d’appartenir. En quoi présente-t’elle de l’intérêt ? Je vais essayer, en plaçant la démarche scientifique comme fil conducteur, de décortiquer ce qui selon moi la caractérise le mieux… Tout d’abord, à défaut de me sentir fier (on n’a pas de mérite à être né quelque part) je dois dire que je me sens quelque peu chanceux d’être né en Occident, pour cette simple raison que l’avènement de la science constitue un évènement qui s’est instauré en quelques siècles seulement et ne s’était jamais produit nulle part ailleurs à un tel niveau. En effet, les découvertes, émanant d’autres civilisations n’ont jamais constitué un corpus de connaissances structuré, reposant sur la mise en oeuvre d’une méthode expérimentale objective, s’exprimant sous la forme d’un système formel de lois mathématiquement énoncées et universelles.

Sur le plan étymologique, le terme de «science» est emprunté au verbe latin  «scire» («savoir») qui a donné scientia, signifiant la «connaissance», au sens large, spécialement la « connaissance scientifique », prenant le sens du grec epistémè, «savoir théorique». La science a désigné d’abord un savoir-faire procuré par les connaissances jointes à l’habileté, puis dénotera, plus tard, les connaissances acquises sur un objet d’étude plus délimité. Puis, la science, désignera de plus en plus une connaissance parfaite, précise, rigoureuse et soucieuse de formalisme. La mentalité scientifique moderne, s’est peu à peu forgée, toujours davantage renforcée par la succession de succès théoriques et pratiques qu’elle ne cesse d’enregistrer.

Pendant très longtemps, la science se trouvait purement et simplement assimilée à la philosophie, par la clarification logique de la pensée, ce qui impliquait une démarche de rupture avec l’opinion (doxa), c’est-à-dire l’ensemble des « préjugés » qui nous tiennent lieu ordinairement de pensée. A tel enseigne que chez les philosophes grecs comme Platon ou Aristote la philosophie c’est la science, le savoir véritable et authentique (epistémè), parce qu’elle se donnait pour projet d’atteindre le monde des Idées éternelles, immuables, afin d’échapper au monde trompeur et corruptible des apparences, de l’illusion et de l’erreur. Cette idée a été en partie intégrée dans le Corpus éducatif occidental. Et c’est avec cette phrase : « abducere mentem a sensibus » (çd en bon Français « détacher son esprit des sens »)  que dès le XVIIè siècle (soit 8 siècles après les Savants Arabes Mutazilistes) , René Descartes jetait les bases d’une méthode permettant de rendre compte de la nature en langage mathématique pour se libérer des tentations issues de notre nature corporelle, de nos inclinations, de nos idées reçues.

Il faut se souvenir que Descartes vivait en Hollande. Or ce sont ses livres qui provoquent un bouleversement total dans la pensée et l’enseignement, mais aussi sein de l’Église réformée hollandaise et de la vie culturelle en général. C’est peu après cette période qu’apparaissent les idées de Spinoza qui crée un système de pensée beaucoup plus large, en y intégrant des éléments de Machiavel, de Descartes, de Hobbes, de Newton, etc. Ensuite, notamment avec Pierre Bayle (qui lui aussi était un Français exilé en Hollande), se développe un milieu intellectuel radical révolutionnaire très subversif qui prend de l’ampleur. Je crois que là intervient le véritable commencement des Lumières, jetant les bases de notre Modernité, en tant qu’adversaire principal des fondements de la religion révélée, des idées reçues, de la tradition et prônant que le monde ne se réduit pas à une vision manichéenne et suppose donc le croisement permanent des points de vue et des opinions contradictoires… N’oublions pas non plus l’influence du classement alphabétique découvert au XIIIe siècle par Jean de Gènes qui publie le Catholicon (1286), en le faisant précéder d’une préface expliquant longuement son système de classement et exhortant le lecteur à faire l’effort de l’apprendre, malgré sa difficulté. Les ateliers parisiens de manuscrits adoptent cette nouvelle technologie et ajoutent un index à leurs manuscrits les plus considérables, faisant de Paris « le centre de création d’index le plus important du XIIIe siècle». Allié à l’invention déterminante de l’Imprimerie, ce classement alphabétique, une fois généralisé, semble avoir été un grand accélérateur de progrès en Occident

idéesreçues

Finalement des générations d’étudiants occidentaux ont fini par admettre que aucune connaissance fiable, c’est-à-dire indubitable, ne peut seulement provenir de nos sens et de nos croyances. Il faut de l’objectivité ! Et c’est là que se trouve tout l’intérêt de la Science, qui, de par son enracinement congénital dans la philosophie, se pose en rupture avec l’ensemble des préjugés, des opinions reçues depuis notre prime enfance. Parce que l’objectivité du savoir scientifique veut se substituer à la subjectivité de l’opinion, indémontrable et indémontrée et le plus souvent arbitraire. De ce fait, en entrant dans l’ère moderne, les sciences sont devenues des disciplines autonomes qui se sont peu à peu émancipées de la théologie. Elles ont profondément modifié la conscience que nous avons de nous-même et de notre place dans l’univers. Et c’est parce que la science se veut recherche des causes et des premiers principes, solidement fondé par un formalisme précis, qu’elle peut légitimement prétendre à la mission d’unifier la totalité du savoir. Par exemple, une théorie n’est scientifique que si ses énoncés sont susceptibles d’être soumis à des protocoles d’expérimentation capables d’en montrer la vérité ou la fausseté, basés sur des démonstrations, et par le recours généralisé à l’outil mathématique. Enfin, et ce n’est pas la moindre de ses qualités, la science est ouverte à la critique et les connaissances scientifiques, ainsi que les méthodes, sont toujours ouvertes à la révision, ce qui est vertueux et par voie de conséquences non dogmatique. D’ailleurs, si une théorie se trouve fausse, c’est une avancée pas une catastrophe. Voilà pourquoi les savoirs de la science relèvent de l’universel de même que le critère de démarcation de la science vis-à-vis de tout autre discours. La culture scientifique n’est donc pas un secteur culturel comme un autre. Cette culture et ses savoirs ne peuvent pas être dépendants de l’interprétation qu’en font telle ou telle communauté spirituelle. La science s’oppose ainsi logiquement à toute « vérité révélée », à tout «dogme», et à tout autre «savoir» incapable de se fonder en raison. Du coup, les énoncés scientifiques décrivent le réel ; les autres énoncés, qu’ils soient métaphysiques, théologiques ou poétiques, ne font qu’exprimer des émotions. Il faut en être conscient !

J’ai été élevé dans cet esprit et, le rationnel que je souhaite être le plus souvent, suit le mot d’ordre proclamé jadis par Descartes selon lequel l’homme moderne devrait se vouloir rendre, par le développement indéfini de la science, «comme maître et possesseur de la nature». Et oui, carrément ! N’ayons pas de limites ! Je n’adore ni ne crains Dieu et ses différents avatars ! Quant au silence semble-t’il éternel de l’espace infini, il ne m’effraie pas, il me questionne ! Plus aucun énoncé ne peut se poser comme dernier, comme ultime conclusion, au point de se trouver exonéré d’avoir à se justifier. Par nos questions nous devenons de plus en plus capables de découvrir les rouages les plus fins de notre Passé et les conditions nécessaires au contrôle de notre avenir, en transformant le réel , le Monde et pourquoi pas, l’Univers … J’ai d’ailleurs adopté pleinement ces phrases de Jean Jaurès :
« … Ce qu’il faut sauvegarder avant tout, ce qui est le bien inestimable conquis par l’homme à travers tous les préjugés, toutes les souffrances et tous les combats, c’est cette idée qu’il n’y a pas de vérité sacrée, c’est-à-dire interdite à la pleine investigation de l’homme ; c’est cette idée que ce qu’il y a de plus grand dans le monde, c’est la liberté souveraine de l’esprit; c’est cette idée qu’aucune puissance ou intérieure ou extérieure, aucun pouvoir et aucun dogme ne doit limiter le perpétuel effort et la perpétuelle recherche de la raison humaine ; Cette idée que l’humanité dans l’univers est une grande commission d’enquête dont aucune intervention gouvernementale, aucune intrigue céleste ou terrestre ne doit jamais restreindre ou fausser les opérations ; cette idée que toute vérité qui ne vient pas de nous est un mensonge ; que jusque dans les adhésions que nous donnons, notre sens critique doit toujours rester en éveil et qu’une révolte secrète doit se mêler à toutes nos affirmations et à toutes nos pensées ; que si l’idée même de Dieu prenait une forme palpable, si Dieu lui-même se dressait, visible, sur les multitudes, le premier devoir de l’homme serait de refuser l’obéissance et de le traiter comme l’égal avec qui l’on discute, mais non comme le maître que l’on subit. »

Voilà ! Pour moi, être moderne c’est aussi cela : lutter contre l’arbitraire de l’autorité, contre les préjugés et contre les contingences de la tradition avec l’aide de la raison … C’est pourquoi je ne remercierai jamais assez l’école Républicaine de m’avoir enseigné les Mathématiques, la Physique, l’art du doute, la rigueur, la logique du raisonnement. Ce rationalisme m’a donné une grande lucidité pour décrypter le réel et n’a pas oblitéré en moi l’imagination, je ne suis pas désenchanté, bien au contraire. La recherche d’une « vérité objective » me procure beaucoup de joie.Cela me galvanise et je cherche à comprendre ce qui m’entoure. Et grâce à l’aide de tout le patrimoine intellectuel laissé par des penseurs qui avant moi ont été confronté aux grandes questions mon raisonnement se veut implacable, systémique et libérateur.  Par exemple, je sais que la Terre est ronde non pas parce que j’ai cru ceux qui le disent, mais parce que j’ai appris et compris les véritables causes qui ont modelé la planète et celles qui l’environnent. Pour prendre deux autres exemples, si l’atome et la physique quantique n’étaient que de simples croyances, il faudrait aussi expliquer par quelle succession de « miracles » on a pu parvenir à concevoir des lasers. Si les lasers existent et fonctionnent, n’est-ce pas l’indice qu’il y a beaucoup de « vrai » dans les théories physiques à partir desquelles on a pu les concevoir ? N’est-ce pas la preuve rétrospective que Planck, Einstein et les autres avaient bel et bien compris les interactions entre la lumière et la matière ? Il serait difficile d’expliquer d’où vient que les théories physiques, telles la physique quantique ou la théorie de la relativité, « marchent » si bien si elles ne disent absolument rien de vrai. Je pourrai aussi parler de la théorie darwinienne de l’évolution qui est vraie car confirmée par la génétique, par la géologie et la paléontologie, corroborée par des mesures physiques qui ont été rendues possibles par les avancées de la physique et de la chimie. Cette vérité qu’on ne saurait vraisemblablement démentir un jour, sinon en insérant la théorie de Darwin dans une théorie plus vaste dont nous n’avons pas aujourd’hui l’ombre d’une idée. Il y a donc bien un sens à parler de vérité dans les sciences.  Cette façon de voir ne fait pas de moi un intégriste de la Science car la Science n’est pas une croyance et je ne la considère pas non plus comme la religion séculière du progrès . Pour moi, pensée logique et croyance sont de nature irréductiblement différente.

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Mais, j’en conviens tout à fait, au prétexte d’être rationnel on ne peut pas tout le temps être intransigeant ! Le Monde serait invivable ! Comme disait Voltaire, qui enseignait à douter, parce que c’est par le doute que l’on apprend à penser, “parfois la Paix vaut-mieux que la vérité” … Pour autant, un homme qui sait que son espèce n’a pas cessé d’évoluer et que l’univers est vieux d’au moins 13,7 milliards d’années ne se pense pas de la même façon qu’un autre qui croit dur comme fer qu’il a été créé tel quel en six jours dans un univers qui n’aurait que six mille ans … Et puis la diffusion de la mentalité scientifique, par opposition à la mentalité théologique, a incontestablement amélioré jusqu’ici la condition humaine… Alors …

Ceci étant posé, je me méfie de la logique froide de la science car elle peut être destructrice et porteuse de désespérance, sans le cœur, la spiritualité ou la métaphysique !  Et puis, on ne combat pas les croyances en les fustigeant mais plutôt en restant plein d’espérance du fait de la progression de notre conscience collective par le rationalisme, les sciences, la logique, la cohérence, et aussi l’amour de son prochain, qui ne doit pas être revendiqué uniquement par les tenants d’un Monde religieux… On devrait parler un peu plus d’Humanité, de Fraternité, sans Dieu. Sans artefact moyen âgeux dont on peut se passer. Et c’est cela qu’il faut montrer : on peut s’en passer. Et il faut expliquer pourquoi et comment on peut s’en passer. Rien ne sert de faire l’exégèse de telle ou telle croyance, telle ou telle Religion car l’on peut s’y perdre et discuter à l’infini alors même qu’il faudrait expliquer, clarifier la posture de l’Athée clairvoyant, lucide, sans jamais oublier que sans le cœur, sans la générosité de l’esprit, le rationalisme reste sec et froid comme l’espace inter sidéral. L’Athée passe généralement pour hédoniste,  consumériste, un nihiliste, incapable de tendre la main. Je le regrette. Je pense le contraire.

Mais je le reconnais : malgré toutes les connaissances acquises ou à cause d’elles, malgré tout ce modernisme, je suis de plus en plus conscients de  l’abîme de l’ignorance  profond dans lequel je me trouve. Il m’apparait aussi que la modernité possède des aspects bien sombres.   Par exemple je constate avec effarement que le rejet de la science par certains n’est pas incompatible pour eux avec un usage compulsif des nouvelles technologies pour véhiculer l’obscurantisme. L’esprit critique s’efface sous le torrent de boue de la désinformation. Diffamations et autres théories du complot se répandent à grande vitesse. Le pathos l’emporte sur le logos, l’émotion sur la raison. Un simple avis, un sentiment ne peuvent pas impunément se substituer à un débat, à une argumentation ! C’est à une sorte de tyrannie de l’ignorance que les merveilleux objets communicants produits par la science ont finalement conduit ! C’est fou. Nous nageons en pleine schizophrénie !

Également, la modernité est la racine de la crise écologique que nous traversons, elle a poussé l’homme à surexploiter les ressources naturelles de la Planète. Elle est  aussi inséparable d’un libéralisme outrancier des marchés de produits , inséparable de l’accumulation de capital dans un contexte du travail ultra concurrentiel ; elle est inséparable du contrôle de l’information et la surveillance sociale ; elle est inséparable de l’industrialisation, en particulier celle  de la guerre. Et oui ! La modernité réside aussi malheureusement et tragiquement, dans la croissance corrélative des moyens de destruction.

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Enfin, le risque existe aujourd’hui, que notre civilisation, laissée à son propre mouvement, aille vers un monstre technologique toujours plus vorace, aveugle et oublieux de l’Homme. Et d’ailleurs, à propos du sens de la vie il semble que avec tout notre modernisme nous ne soyons pas plus avancés que Socrate, Platon ou Aristote, il y a de cela deux mille cinq cent ans. Cela me trouble, je l’avoue bien volontiers. Je le savais intuitivement et ne pouvait l’admettre mais pour ce qui concerne les questions fondamentales et le sens de la vie, force est de constater que la science est muette, qu’ elle n’a rien à nous dire, niente, nada, des clous! Même si la connaissance apporte lucidité et logique, la science ne peut rien nous apprendre sur le sens ou le non-sens de notre vie ! Tel est le tragique de la modernité: il semble que les finalités manquent ; l’universel que les sciences mettent au jour est, par essence, incomplet. Mais, nous le savons ! Le savoir, tout en nous émancipant des scories d’un passé aveugle et sourd, nous a doté d’une conscience plus vaste. Alors, ne nous laissons pas abattre. Restons volontairement optimistes ! J’en veux comme preuve que lorsqu’un savant ou du moins un sachant répond à une question relevant du domaine des valeurs, si il parle en tant que simple citoyen, ou en tant que sujet moral, voire même en tant que croyant, je crois bien que sa formation peut – la plupart du temps – l’aider à être plus conséquent et plus clairvoyant que ses voisins …

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En tous cas, même si il existe bien d’autres manières de se rapporter au monde et aux autres que le modèle mathématique, fondé sur la prévalence absolue du mesurable et de la logique, la culture scientifique me semble consubstantielle à l’esprit laïque puisque son expression est par essence non dogmatique. Cependant, en raison de son universalisme et de sa fragilité intrinsèque, tout comme la Démocratie, ce bien précieux doit être absolument préservé et protégé. Attention donc aux enfants déscolarisés dans les quartiers sensibles sans aucun contrôle de la part des autorités car ils sont les germes de terribles retours en arrière dans le futur. Aussi c’est par une médiation sans faille, que la méthode scientifique et le capital immatériel associé doivent résolument et de façon adaptée être mis à disposition de toutes les couches de la population, en particulier auprès de la Jeunesse. Il faut instruire les enfants des savoirs fondamentaux qui leur permettront plus tard de penser par eux-mêmes. Tout comme nous disposons d’un accès à l’eau et à l’électricité. Il ne s’agit pas pour autant, de transformer les tenants de la Modernité et donc de la Science en Grands Prêtres car l’État n’a pas une conduite magique qui nous permettrait de lui demander de tout prévoir, de tout prédire. Nous retomberions dans nos errements ancestraux avec des grands « savants » auto proclamés prophétisant devant la multitude qui prie déjà devant des écrans blafards en attendant des lendemains qui chantent … C’est pourquoi je crois plutôt à ce que nous rappelle cette phrase de André Malraux : «La culture ne s’hérite pas, elle se conquiert (…) Ce qui doit nous unir est l’objet de cette conquête». Contre l’obscurantisme, contre tous les obscurantismes pour que s’expriment toujours mieux les principes de l’émancipation humaine. Enfin, je citerai le grand Victor Hugo, cet extrait d’un discours  à l’Assemblée nationale, pour une éducation gratuite et laïque, en 1848. Très instructif par ces temps d’intolérance…

 » Cette chimère, qu’elles appellent articles de foi et mystères, les religions la mêlent à Dieu, et l’enseignent. Peuvent-elles faire autrement ? L’enseignement de la mosquée et de la synagogue est étrange, mais c’est innocemment qu’il est funeste ; le prêtre, nous parlons du prêtre convaincu, n’en est pas coupable; il est à peine responsable ; il a été lui-même anciennement le patient de cet enseignement dont il est aujourd’hui l’opérateur ; devenu maître, il est resté esclave. De là ses leçons redoutables. Quoi de plus terrible que le mensonge sincère? Le prêtre enseigne le faux, ignorant le vrai; il croit bien faire. Cet enseignement a cela de lugubre que tout ce qu’il fait pour l’enfant est fait contre l’enfant ; il donne lentement on ne sait quelle courbure à l’esprit ; c’est de l’orthopédie en sens inverse ; il fait torse ce que la nature a fait droit ! Étroite et obscure éducation de caste et de clergé qui a pesé sur nos pères et qui menace encore nos fils ! Cet enseignement inocule aux jeunes intelligences la vieillesse des préjugés, il ôte à l’enfant l’aube et lui donne la nuit, et il aboutit à une telle plénitude du passé que l’âme y est comme noyée, y devient on ne sait quelle éponge de ténèbres, et ne peut plus admettre l’avenir « 

C’est encore Victor Hugo qui a dit : « L’unique but de la Science c’est d’être immensément joyeux«  … Il me semble bien que la modernité procède de cette droite ligne émancipatrice et de cette Joie. Mais, si j’ai eu la chance d’avoir ce choix je sais qu’il a ses limites et que notre quête de connaissance restera toujours un projet inachevé !

Alors, pour conclure, soyons philosophes : Le mot grec « philosophe » (philosophos) désigne celui qui aime le savoir, par différence avec celui qui, possédant le savoir, se nomme savant. L’essence de la philosophie, c’est la recherche de la vérité, non sa possession, même si elle se trahit elle-même, comme il arrive souvent, jusqu’à dégénérer en dogmatisme. Faire de la philosophie, c’est être en route, toujours prêt à assumer en une lutte fraternelle, quel que soit le sens de la vérité énoncée, le risque de la communication d’homme à homme; à garder sa raison patiemment et inlassablement en éveil, même devant l’être le plus étranger, qui se ferme et se refuse – car les questions, en philosophie, sont plus essentielles que les réponses – et chaque réponse devient une nouvelle question.

Alors, gardons l’amour de l’humanité et la confiance en ses capacités et en son avenir. Au lieu de nous détruire, réjouissons-nous pour construire du SENS ! Avec, toujours, Passion et Raison indissociables et non pas opposées … Je pense que cette sagesse ne peut que développer en chacun de nous un humanisme laïque, dans la joie et la bonne humeur ! Que voilà  un bon moyen d’éviter le désenchantement du Monde Moderne …

Descartes

Lien vers une vidéo très pédagogique sur  l’Athéisme et l’Agnosticisme

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Marié, 2 enfants, Charlotte et Alexis
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